Cette semaine, à la fin d’un horaire infirmier, je remarque l’exposition qui orne le hall d’entrée de l’hôpital. Intitulée « Féminité au-delà du handicap », elle est constituée d’une série de photographies qui montrent une femme paraplégique assise sur un banc, sur l’herbe, sur un muret. Les images sont belles, mais les mots qui me viennent pour décrire les poses sont: langoureuse, séductrice, dans l’attente du désir et de l’approbation de l’autre.
Je repense alors à la semaine passée. En me promenant au bord de la mer à Barcelone, j’ai vu deux jeunes femmes se prendre en photo. Celle qui était devant l’objectif a adopté une posture de flamand rose, une jambe repliée le pied en pointe, la tête légèrement inclinée sur le côté et en arrière, les yeux en biche.
La chirurgie esthétique est prisée de plus en plus jeune, par des femmes qui n’ont parfois pas encore deux décennies à leur compteur. En 2019, la majorité des interventions sont pratiquées sur des femmes de 18 à 34 ans. Objectif: ressembler à la nouvelle norme imposée par les filtres d’Instagram et les algorithmes.
Tout cela me laisse perplexe. Où va-t-on? Qu’est-ce qui a dérapé en chemin? Comment sommes-nous passées des féministes de la génération avant nous aux bimbo de la génération qui nous suit?
Heureuse d’être à l’aube de mes cinquante ans plutôt que de mes vingt ans, je m’interroge.
C’est quoi, la féminité?
Selon wikipedia, la féminité est « l’ensemble des caractères morphologiques, psychologiques et comportementaux spécifiques, ou considérés comme spécifiques aux femmes. Ils sont liés au sexe ou au genre, et fortement influencés, voire conditionnés par l’environnement socioculturel. »
Dans un article de plus de vingt-cinq pages, la sociologue Viola Klein critique l’idéologie d’un caractère féminin et constate que la « liste de traits féminins pourrait être étendue presque à l’infini, selon le nombre d’auteurs considérés ». Elle ajoute qu’une « seule certitude ressort de cette variété de descriptions : à savoir l’existence d’un concept de féminité incarnant certains traits psychologiques distinctifs. » Quels traits? À chacun son opinion.
C’est un peu comme quand le philosophe et conférencier Guillaume von der Weid pose la question absurde et polémique: Qu’est-ce qu’une femme ? Elle est absurde parce que tout le monde sait ce qu’est une femme, au même titre qu’on sait ce qu’est un bateau ou une fleur. Et elle est polémique tant on est incapable, en tant que société, de se mettre d’accord sur ce qu’est une femme.
La féminité telle que représentée par l’exposition du hall de l’hôpital, les filtres Instagram ou les regards de biche n’est pas celle qui me correspond ou à laquelle je souhaite m’identifier.
La sagesse du coeur
Si je réfléchis avec ma tête, mes idées s’emmêlent et je me retrouve vite dans une impasse. Par contre, si je descends interroger mon coeur, les choses deviennent instantanément plus claires.
La féminité à laquelle j’aspire est faite de douceur et de force, de beauté et de liberté. Elle rime avec aisance et assurance, nature sauvage et envie de partage. Elle est ancrée, solide, fluide, puissante, généreuse, paisible. Elle rayonne, illumine, resplendit. Elle se déploie de saison en saison, enrichie par les expériences et la sagesse que nous offrent la vie qui s’écoule. Elle est intérieure, centrée, auto-validée. Elle me permet d’être pleinement moi, sans condition, avec authenticité, vulnérabilité et confiance.
Et pour toi, c’est quoi la féminité?